Estampe originale est l’expression correcte qui définit toutes les œuvres dessinées, peintes ou gravées par un artiste sur un support rigide quelconque, métal, pierre, bois, linoléum, plaque de celluloïd, rhodoïd, etc. qui sont ensuite appliquées, après encrage, sur une feuille de papier. Cette application est facilitée par l’utilisation d’une presse. Le résultat d’appelle une estampe, plus communément une gravure, une épreuve, une planche ou une pièce. [...]
[...] Avant que le support ne soit altéré, usé, la multiplication de ces impressions – intitulée le tirage – se fait par rapport à un modèle appelé le bon à tirer , qui et donné par l’artiste à l’imprimeur. En général, ce bon à tirer précise le nombre d’exemplaires, c’est-à-dire d’épreuves, que l’artiste désire. A charge pour l’imprimeur consciencieux de bien vérifier l’homogénéité de la qualité de ce tirage par rapport à l’épreuve initiale du bon à tirer. Si la qualité faiblit, l’imprimeur ou l’artiste déduisent l’épreuve fautive. Toutes les épreuves, de retour chez l’artiste, sont ensuite signées par lui et, en général, depuis les années 80 du siècle précédent, numérotées par lui ou par l’éditeur. [...]
[...] Avant le bon à tirer et après une ou deux épreuves d’essai, l’artiste peut juger que son travail n’a pas atteint sa pensée. Il reprend alors son support et poursuit son travail, avec les même techniques ou des techniques différentes, et fait tirer – ou tire lui-même – une ou deux nouvelles épreuves d’essai. Les premières s’appellent alors les épreuves du « premier état » et les secondes épreuves du « deuxième état ». Et ainsi de suite jusqu’au moment où l’artiste arrête son travail de graveur. Picasso est allé jusqu’à dix-huit, vingt, et même trente et un états. Il faut évidemment, pour qu’il y ait état – c’est-à-dire étape dans le travail – que celui-ci soit effectué sur le même support. Si le support change, c’est une autre gravure, même si le sujet est identique.
Le cuivre est un métal mou. Une fois gravé, pour tirer une épreuve, il faut à chaque fois, encrer le cuivre, essuyer l’excès d’encre, passer le cuivre avec sa feuille de papier sous la presse. Toutes ces opérations usent les faibles aspérités de cuivre qui bordent chaque taille faite par le graveur – surtout par la pointe sèche et le burin -, et ces aspérités sont indispensables pour assurer de beaux noirs sur l’épreuve, car elles retiennent l’encre avant l’impression. On eut alors l’idée de déposer par galvanoplastie sur la surface gravée d’un cuivre un fine couche d’un métal plus dur, et, pour préciser cette idée, on appela cette opération aciérage. Ce terme est techniquement faux, car on ne peut déposer de l’acier par électrolyse, mais du fer chimiquement pur. Le fer est cependant plus dur que le cuivre, et, dès que l’usure de la couche de fer menace, on recommence l’opération dite d’aciérage. Cela permet de conserver l’homogénéité de la qualité des tirages jusqu’à la dernière épreuve de ceux-ci.
Les biseaux, talus, chanfreins sont des termes qui se rapportent aux adoucissements des arêtes vives des quatre bords d’un cuivre ou d’un zinc que l’on effectue avec une lime ou un grattoir pour que le papier de l’épreuve ne soit pas trop marqué – ce que l’on appelle le coup de planche – au moment de l’impression de la gravure sous la presse. En général, les épreuves d’état ou d’essai ne comportent pas ces biseaux qui sont effectués le plus souvent juste avant le tirage définitif.
La pointe, genre de crayon dont la mine est en acier – appelé pointe sèche (sans trait d’union) -, est utilisée pour dessiner sur le cuivre ou le zinc, nu. La rayure ainsi obtenue s’appelle une taille. Si un rayure en croise une autre, la seconde s’appelle contre-taille [...]
[..] La gravure obtenue après encrage et impression s’appelle une pointe-sèche (avec trait d’union).[...]
[...] La même pointe peut être utilisée pour dessiner sur une plaque de métal recouverte au préalable par un vernis isolant. Le dessin terminé, cette plaque est plongée dans un produit chimique, acide nitrique (eau-forte) ou perchlorure de fer, corrosif pour les parties du cuivre, ou du zinc, mises à nu par la pointe. C’est la morsure. [...]
[...] La gravure obtenue après suppression du vernis, encrage et impression s’appelle une eau-forte.
Le burin est un petit barreau d’acier à section carrée dont l’extrémité est affûtée en biais. L’autre extrémité, munie d’un petit manche en bois, se loge dans la paume de la main. La pointe effectue des sillons – toujours appelés tailles – sur la plaque de métal nue lorsque la main pousse le burin en appuyant plus ou moins fortement. La gravure obtenue après encrage et impression s’appelle un burin.
Le grattoir est un outil à section triangulaire dont les trois arêtes sont tranchantes et qui se termine en pointe. Il permet par ses arêtes, de racler, de gratter le métal. Sur le cuivre poli, cela donne des larges bandes qui, retenant l’encre, donnent sur le papier des bandes noires ou grises. Sur le cuivre grené, cela donne des larges bandes qui, retenant moins l’encre que les parties grenées, donnent sur le papier des bandes grises ou blanchâtres.
Si l’artiste veut une teinte, genre lavis, il traite tout ou partie de la surface de la plaque de métal en la saupoudrant de particules de résine. La distribution devant être uniforme, on utilise une boîte à résine qui « empoussière » les parties que l’on désire. Ensuite, on chauffe le tout. Les grains de résine adhèrent à la plaque et se soudent, mais ils laissent entre eux de petites interstices. En plongeant dans l’acide, celui-ci pénètre par ces interstices et attaque – mord – le métal. Le résultat est une infinité de petits points noirs plus ou moins gros (selon la grosseur des grains de résine utilisés), qui donnent une teinte qui peut aller jusqu’au noir profond. Les parties que l’artiste veut protéger de cette teinte sont dites réservées. Pour cela, l’artiste dépose au pinceau du vernis ou tout autre produit protecteur sur les parties qu’il veut sans teinte. On dit qu’il utilise l’aquatinte avec réserves. Lorsque le procédé de l’aquatinte est dominant ou unique sur un support : la gravure obtenue après morsure, suppression du vernis, encrage et impression, s’appelle une aquatinte.
Elle permet à l’artiste de peindre sur le cuivre. La mixture utilisée est un mélange de gouache, d’encre (pour voir ce que l’on fait) et de sucre. Cette mixture sirupeuse est déposée au pinceau sur le cuivre nu. Le graveur peint ainsi tout ou partie de son sujet. Ensuite la plaque de métal est entièrement vernie et plongée dans une cuve remplie d’eau. Le sucre alors se dissout dans l’eau et toute la partie peinte sur le cuivre – mais elle seule – se retrouve dénudée, sans vernis protecteur, donc attaquable par la morsure chimique de l’eau forte.
Sur le cuivre nu, bien dégraissé, l’artiste peint son sujet en trempant son pinceau dans l’acide. La difficulté réside dans l’appréciation de la durée de l’attaque chimique. Celle-ci oblige l’artiste à penser à réaliser d’abord les parties les plus noires. Car ce sont celles sur lesquelles l’acide devra rester le plus longtemps en contact avec le cuivre. Ensuite, il réalisera les teintes moyennes et terminera très vivement par les teintes très légères. Il plongera avec rapidité le cuivre dans l’eau pour neutraliser toutes les attaques.
Le papier lithographique est un papier à grain encollé à la gomme arabique. L’artiste dessine sur ce papier avec un crayon lithographique (crayon gras) comme s’il dessinait sur une feuille de papier quelconque avec un crayon normal. Après le travail de l’artiste, le papier humidifié est décalqué sur une pierre lithographique (calcaire à grain fin, sans défauts, bien plane et absorbant l’humidité) ou sur une plaque de zinc (grainé).
Le papier à report est constitué semblablement au papier lithographique, mais il n’a pas de grain. Il est plutôt employé pour reporter un dessin existant déjà sur une pierre ou sur un zinc, sur une autre pierre ou un autre zinc.
La pierre offre beaucoup plus de possibilités que le papier. C’est ainsi que furent réalisées les premières lithographies. Celles de Goya, Delacroix, Daumier. Le principe de la lithographie est basé sur le fait physique de la répulsion de l’eau par la graisse (crayon gras ou encre grasse). Sur la surface plane d’une pierre lithographique, l’artiste dessine au crayon ou peint à l’encre. Si l’on mouille toute la surface de la pierre, l’eau humidifie toutes les parties de cette surface qui ne sont pas peintes ou dessinées. Si l’on passe un rouleau chargé d’encre, deuxième phénomène de répulsion, l’encre est repoussée par l’eau et acceptée par les parties grasses – donc dessinées ou peintes. Si l’on presse en posant une feuille de papier sur la pierre, l’encre se dépose sur la feuille de papier et l’on obtient une estampe, une épreuve. L’estampe ainsi obtenue s’appelle une lithographie.
Pour qu’une pierre résiste à la pression de la presse, il lui faut une épaisseur importante – cinq à dix centimètres. On comprend que si l’artiste veut réaliser un lithographie d’assez grande dimension, le poids de la pierre devient énorme. D’où l’intérêt du zinc.
On utilise aussi des réserves en lithographies pour protéger els parties de la composition que l’on veut blanches – non encrées – sur le papier, ou pour qu’elle soient d’une autre couleur par la suite.
Sur la pierre ou le zinc, on peut aussi effectuer des grattages ou des travaux à la pointe, opérations que Picasso affectionnaient pour ses lithographies.
L’artiste choisit une plaque de bois. S’il la prend dans le sens de l’arbre, c’est une planche. La gravure qu’il fera sur elle s’appellera gravure sur bois de fil, et l’on verra les veines du bois sur la feuille de papier. S’il la prend perpendiculairement à l’arbre, la gravure qu’il réalisera s’appellera gravure sur bois de bout, et l’on ne pourra pas voir les veines du bois sur le papier. En fait, dans ce dernier cas, pour éviter que le bois ne se fende, on juxtapose des petits cubes de bois collés les uns aux autres, mais avec leurs fibres perpendiculaires à la surface de gravure. Picasso ne réalisa que dix gravures su bois (1905 à 1915). Elles sont toutes sur bois de fil.
L’artiste dessine d’abord son sujet sur la planche, puis, avec un canif ou un couteau japonais, il détoure son dessin. Avec une gouge ou des ciseaux à bois, il fait sauter (champlevage) tout ce qui ne doit pas être encré, c’est-à-dire toutes les surfaces entre les traits de son dessin. Celui-ci reste donc entièrement sur la surface primitive de la planche. C’est exactement l’inverse de la gravure sur métal. C’est pour cela qu’on appelle aussi la gravure sur bois gravure en taille d’épargne. Si l’on passe un rouleau encreur (genre de rouleau à pâtisserie) sur la surface conservée et que l’on applique celle-ci avec une presse sur une feuille de papier, le résultat sur ce papier s’appelle une gravure sur bois, un bois gravé.
La technique de la gravure sur ces supports plastiques est semblable à celle sur plaque de métal nu et utilise les même outils, principalement pointe sèche et burin.
La technique de gravure sur linoléum est identique à celle de la gravure sur bois et utilise les mêmes outils. La consistance de ce matériau homogène, sans fibre, rend plus facile l’utilisation de ces outils et n’engendre pas les inconvénients – éclats – que l’on peut rencontrer avec la gravure sur bois de fil. Par contre le danger réside dans sa mollesse même. haut de page.